De 1843 à 1858, la construction de la route des Grands Goulets traverse trois régimes : la monarchie de Juillet, la Deuxième République, la Second Empire. Les grands événements de cette période viennent se répercuter parfois très violemment dans le Vercors, le Diois, la Drôme. L insurrection de 1848 dans le canton de La Chapelle, le soulèvement de 1851 dans la Drôme, la terrible répression qui s ensuivit, sont les témoins d une époque très troublée, pourtant plus que jamais à la recherche du progrès et de la démocratie. Dans ces cadres historiques et politiques, est adjugée le 9 septembre 1843 à Joseph Lajon la première tranche des travaux sur le chemin de grande communication no10 qui relie Die à Pont-en-Royans et qui doit désenclaver le Vercors. Le passage du Grand Goulet en est la partie la plus périlleuse et la plus délicate. L esprit et la poudre vont s y conjuguer si harmonieusement que nous sommes encore et toujours émerveillés par les résultats de cette entreprise. « C était un travail de précision, d artiste, que de déterminer les points à forer et à bourrer, d évaluer la bonne quantité de poudre noire pour que les effets du minage soient au plus près de la forme définitive du tunnel. Masse sentait ça plus qu il ne le pensait. Cet homme silencieux aimait son travail et surtout cette poudre noire qui lui donnait la puissance de supprimer les obstacles qui entravaient les désirs des hommes... il avait cédé à l offre alléchante de Lajon : la maîtrise complète d un minage d artiste. Et lorsqu il découvrit le passage du Grand Goulet, il comprit que l entrepreneur n avait pas exagéré en affirmant que Révellat lui avait bien commandé « un chef-d uvre humain dans un chef-d uvre de la nature ». Les Grands Goulets, c'est aussi l'histoire d'Antoine Pic, un jeune médecin, humaniste, curieux de tout, en perpétuel questionnement sur le sens de la vie, dont la soif de connaissance est constante. Il est fasciné par les montagnes et les paysages du Vercors, ressentant plus que quiconque l'absolue nécessité de la construction de cette route afin de sortir les habitants de leur isolement. Il quitte néanmoins un temps la région pour achever ses études à Paris où Dominique-Jean Larrey fera de lui un chirurgien remarquable. Un voyage à Londres lui fait découvrir avec effroi les conséquences désastreuses de l'industrialisation sur la population ouvrière, renforçant ses convictions républicaines. Il rejoint alors le mouvement de Blanqui. Devant fuir Paris, il revient dans le Vercors et participe au début de la construction des premiers tunnels dans le passage du Grand Goulet, aux côtés de Joseph Lajon. Nous découvrons avec lui l'incroyable et dangereux travail des hommes chargés de creuser la roche. Cependant il ne renonce pas à son combat pour la République... Ce roman passionnant est également une ode au Vercors. Les descriptions des paysages, gorges, torrents et montagnes, sont d'une telle précision et d'une telle sensibilité que leur lecture fait naître en nous de vertigineuses images : nous avons le souffle coupé au-dessus des à-pics et par les vues offertes à nos yeux, nous sommes imprégnés des odeurs de forêt et d'eau, dans nos oreilles tintent les sonnailles de la couble du colporteur croisé en chemin... Nous y percevons surtout l'amour que l'auteur porte à cette région, et comprenons tout particulièrement la place que l'homme peut avoir dans de tels lieux, dont la beauté, l'équilibre et l'avenir lui restent totalement soumis.