S'il est un chansonnier qui passe sans difficulté les frontières du temps, c'est bien Georges Brassens, avec d'une part son répertoire extraordinaire constitué de plus de 200 chansons et, d'autre part, son art du chant si particulier, original, simple et grasseyant. Brassens, c'est avant tout une voix : voix originelle, voix du conteur ou du poète qui raconte en chantant des histoires mirifiques. Il y aussi cette guitare qui semble simple accompagnatrice et pourtant, les harmonies proposées sont efficaces et subtiles, si bien placées pour mettre en exergue les mots puissants. Mais Brassens est surtout ce grand chansonnier, dans la plus pure tradition de ces aïeuls, vieille de plusieurs siècles : aèdes et ménestrels, chanteurs de textes et de poésies, admirateurs de Villon, Ronsard, Hugo, Nerval, Béranger, Vadé ou Rousseau qui comprirent que la langue française était si belle lorsqu'elle était chantée. Ces chansons à textes, ballades et complaintes, mélopées et romances sont issues de ces pratiques de troubadours où le poète déclamait en musique ses récréations littéraires, et Monsieur Brassens est le passeur de cette encyclopédie innombrable, inépuisable, indomptable que fut la chanson française sur plus de mille années.